Guide des Sanctions Liées aux Paiements en Espèces

Version corrigée pour les comptables belges

Table des matières

1. Introduction
2. Bases légales des sanctions
3. Types d'infractions possibles
3.1. Paiement en espèces au-delà des montants autorisés
3.2. Fractionnement intentionnel
3.3. Non-respect des interdictions spécifiques
4. Régime des sanctions
4.1. Amendes pénales
4.2. Décimes additionnels
4.3. Transactions administratives
5. Facteurs aggravants et atténuants
6. Responsabilité partagée
7. Procédures de contrôle et d'inspection
8. Voies de recours
9. Exemples de sanctions prononcées
10. Conséquences indirectes

1. Introduction

La législation belge prévoit des limitations strictes à l'utilisation des espèces dans les transactions, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le non-respect de ces limitations peut entraîner des sanctions significatives tant pour celui qui paie que pour celui qui reçoit le paiement.

En tant que comptables, vous jouez un rôle essentiel dans le respect de ces limitations par vos clients et dans la prévention des infractions. Ce guide a pour objectif de vous présenter de manière claire et détaillée le cadre sanctionnatoire applicable en cas de non-respect des limitations de paiements en espèces en Belgique.

Important pour les comptables : Vous avez une obligation de vigilance concernant les paiements en espèces effectués ou reçus par vos clients. En cas de détection d'infractions, vous pourriez avoir l'obligation de les signaler.

2. Bases légales des sanctions

Les sanctions applicables en cas de non-respect des limitations de paiements en espèces sont principalement définies dans l'article 137 de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces.

Article 137 de la loi du 18 septembre 2017 :

"Sont punis d'une amende de 250 à 225 000 euros :

  1. ceux qui contreviennent aux dispositions de l'article 66, § 2, alinéa 1er, ou de l'article 67;
  2. ceux qui font obstacle aux inspections et vérifications des agents habilités par le Roi en vertu de l'article 85, § 3, alinéa 1er, ou qui refusent de donner les informations qu'ils sont tenus de communiquer en vertu des articles 66, § 2, alinéa 2, et 67 ou qui donnent sciemment des informations inexactes ou incomplètes."

Ce cadre légal est complété par :

3. Types d'infractions possibles

3.1. Paiement en espèces au-delà des montants autorisés

Cette infraction consiste à effectuer ou recevoir un paiement en espèces dépassant les seuils légaux :

Élément important : L'infraction est constituée dès que le montant dépasse le seuil, quel que soit le motif invoqué. Les "habitudes sectorielles" ou la "commodité" ne sont pas des justifications valables.

3.2. Fractionnement intentionnel pour contourner les limitations

Cette infraction consiste à diviser artificiellement un paiement en plusieurs opérations de montants inférieurs au seuil légal, dans le but de contourner les limitations. Le fractionnement (ou "schtroumpfage") est caractérisé par :

Exemple de fractionnement illégal :

Un client règle une facture de 5.000 euros à son fournisseur en trois paiements en espèces : 2.500 euros le lundi, 1.500 euros le mercredi et 1.000 euros le vendredi de la même semaine. Ces paiements sont liés car ils concernent la même facture, et le total dépasse le seuil de 3.000 euros.

3.3. Non-respect des interdictions spécifiques

Certaines transactions sont soumises à des interdictions totales de paiement en espèces :

Attention : Ces interdictions spécifiques s'appliquent même pour des montants inférieurs à 3.000 euros.

4. Régime des sanctions

4.1. Amendes pénales

Les infractions aux limitations de paiements en espèces sont sanctionnées par des amendes pénales dont le montant est défini par l'article 137 de la loi du 18 septembre 2017 :

Type d'infraction Amende de base légale Amende après application des décimes additionnels (2024)
Non-respect des limitations de paiements en espèces 250 à 225.000 euros 2.000 à 1.800.000 euros
Obstacle aux inspections ou fourniture d'informations inexactes 250 à 225.000 euros 2.000 à 1.800.000 euros

Ces amendes sont applicables tant à celui qui paie qu'à celui qui reçoit le paiement en espèces au-delà des montants autorisés.

4.2. Décimes additionnels

Les montants des amendes prévus par la loi doivent être multipliés par les décimes additionnels en vigueur au moment de l'infraction.

Calcul des décimes additionnels :

Depuis le 1er janvier 2017, le coefficient multiplicateur est de 8 (soit multiplication par 8). Ainsi, une amende de base de 250 euros devient 250 × 8 = 2.000 euros après application des décimes additionnels.

Les décimes additionnels sont régulièrement revus à la hausse. Il est donc important de vérifier le coefficient applicable au moment des faits.

4.3. Transactions administratives

L'article 137, alinéa 2, de la loi du 18 septembre 2017 prévoit la possibilité d'une transaction administrative comme alternative aux poursuites pénales :

"Les agents commissionnés à cette fin par le ministre de l'Économie peuvent, au vu des procès-verbaux constatant une infraction aux dispositions visées à l'alinéa 1er et dressés par les agents visés à l'article 85, § 3, alinéa 2, proposer aux contrevenants le paiement d'une somme qui éteint l'action publique."

Caractéristiques de la transaction administrative :

La transaction administrative n'est pas un droit pour le contrevenant mais une faculté pour l'administration. Elle peut être refusée dans les cas les plus graves ou en cas de récidive.

5. Facteurs aggravants et atténuants

Lors de la détermination du montant de l'amende ou de la transaction administrative, plusieurs facteurs peuvent être pris en compte :

Facteurs aggravants

  • Montant important du paiement en espèces
  • Caractère répété ou habituel des infractions
  • Fractionnement intentionnel et organisé
  • Secteur d'activité à haut risque de blanchiment
  • Tentative de dissimulation de l'infraction
  • Antécédents en matière d'infractions similaires
  • Absence de coopération lors des contrôles

Facteurs atténuants

  • Dépassement minime du seuil légal
  • Caractère isolé de l'infraction
  • Bonne foi démontrée
  • Mesures correctives immédiatement mises en place
  • Coopération avec les autorités de contrôle
  • Mise en place de procédures pour éviter la récidive
  • Formation du personnel sur les limitations légales

Conseil pour les comptables : Si vous détectez une infraction chez un client, documentez les circonstances et conseillez la mise en place immédiate de mesures correctives, ce qui pourrait constituer un facteur atténuant en cas de contrôle.

6. Responsabilité partagée

Une caractéristique importante du régime sanctionnatoire en matière de paiements en espèces est la responsabilité partagée entre celui qui paie et celui qui reçoit le paiement.

Principe de responsabilité partagée :

La loi du 18 septembre 2017 prévoit que tant celui qui effectue le paiement en espèces que celui qui le reçoit peuvent être sanctionnés, même si une seule des parties est à l'initiative de l'infraction.

Conséquences pratiques de ce principe :

Attention : Le fait que l'autre partie ait proposé ou accepté le paiement en espèces n'exonère pas votre responsabilité. Vous avez l'obligation de refuser tout paiement en espèces qui contreviendrait à la loi.

7. Procédures de contrôle et d'inspection

Les contrôles du respect des limitations de paiements en espèces sont principalement effectués par le SPF Économie.

7.1. Base légale des contrôles

L'article 85, §3 de la loi du 18 septembre 2017 désigne le SPF Économie comme autorité de contrôle pour la limitation des paiements en espèces. Les agents du SPF Économie disposent des pouvoirs d'investigation prévus par le Code de droit économique (Livre XV).

7.2. Modalités des contrôles

7.3. Pouvoirs des inspecteurs

Les agents du SPF Économie peuvent :

Conseil aux comptables : Sensibilisez vos clients à l'existence de ces contrôles et à l'importance de conserver la documentation justifiant tous les mouvements d'espèces dans la comptabilité.

8. Voies de recours

Les personnes sanctionnées pour non-respect des limitations de paiements en espèces disposent de différentes voies de recours selon le type de sanction.

8.1. Recours contre une transaction administrative

La transaction administrative est une proposition que le contrevenant peut :

Il n'existe pas de recours administratif contre le montant de la transaction proposée, mais le contrevenant peut choisir de la refuser et de présenter sa défense devant le tribunal.

8.2. Recours contre une amende pénale

En cas de poursuites pénales et de condamnation, les voies de recours classiques du droit pénal s'appliquent :

Important : Les délais de recours sont stricts et leur non-respect entraîne l'irrecevabilité du recours. Il est recommandé de consulter rapidement un avocat spécialisé en cas de sanction.

9. Exemples de sanctions prononcées

Voici quelques exemples anonymisés de sanctions prononcées pour des infractions aux limitations de paiements en espèces :

Cas n°1 : Secteur de l'automobile

Faits : Un concessionnaire automobile a accepté un paiement en espèces de 15.000 euros pour la vente d'un véhicule d'occasion.

Infraction : Paiement en espèces dépassant le seuil de 3.000 euros.

Sanction : Transaction administrative de 12.000 euros.

Facteurs considérés : Montant important, mais absence d'antécédents et coopération lors du contrôle.

Cas n°2 : Secteur de la restauration

Faits : Un restaurant a payé un fournisseur en 6 versements en espèces de 2.500 euros chacun sur une période de 2 semaines pour une commande unique de 15.000 euros.

Infraction : Fractionnement intentionnel pour contourner la limite de 3.000 euros.

Sanction : Condamnation pénale à une amende de 24.000 euros.

Facteurs considérés : Fractionnement délibéré, montant total important, refus de transaction administrative.

Cas n°3 : Secteur immobilier

Faits : Un agent immobilier a accepté un acompte en espèces de 5.000 euros pour la réservation d'un bien immobilier.

Infraction : Paiement en espèces pour une transaction immobilière (interdiction totale).

Sanction : Transaction administrative de 6.000 euros et avertissement de l'Institut Professionnel des Agents Immobiliers.

Facteurs considérés : Violation d'une interdiction totale mais montant relativement limité.

Cas n°4 : Commerce de métaux précieux

Faits : Un bijoutier a acheté de l'or à des particuliers contre des paiements en espèces, pour un total de 45.000 euros sur 3 mois.

Infraction : Paiement en espèces pour l'achat de métaux précieux (interdiction spécifique).

Sanction : Condamnation pénale à une amende de 60.000 euros.

Facteurs considérés : Caractère répété des infractions, montant total important, secteur à haut risque.

Observation : Les sanctions prononcées montrent une gradation selon la gravité de l'infraction, le caractère intentionnel du contournement, le montant concerné et les antécédents du contrevenant.

10. Conséquences indirectes

Au-delà des sanctions pénales et administratives, le non-respect des limitations de paiements en espèces peut entraîner diverses conséquences indirectes :

10.1. Conséquences réputationnelles

10.2. Conséquences professionnelles

10.3. Conséquences juridiques annexes

Conseil aux comptables : Sensibilisez vos clients sur l'ensemble des conséquences potentielles d'un non-respect des limitations de paiements en espèces, qui vont bien au-delà de la simple amende.

Conclusion

Les sanctions liées au non-respect des limitations de paiements en espèces sont particulièrement dissuasives et s'appliquent tant à celui qui paie qu'à celui qui reçoit le paiement. En tant que comptable, vous jouez un rôle essentiel dans :

La meilleure stratégie reste la prévention : informer, former et mettre en place des procédures strictes permettant d'éviter tout risque d'infraction.

Rappel important : Les règles relatives aux limitations de paiements en espèces sont susceptibles d'évoluer. Il est essentiel de se tenir informé des modifications législatives et réglementaires en la matière.